Nous étions, Larcier et moi, sous-officiers aux dragons à Nancy. Je terminais mon service, et Larcier, qui voulait faire sa carrière militaire, était sur le point de rengager. Nous avions passé maréchaux des logis de très bonne heure, et pourtant, dans notre régiment, ce n'était pas facile, car il y avait beaucoup de rengagés; mais il en était parti plusieurs d'un seul coup et nous en avions profité.
Nous n'étions pas très liés avec les autres sous-officiers, qui étaient d'une tout autre génération, je veux dire qu'ils avaient deux ou trois ans de plus que nous, mais ces trois ans étaient trois années de service. C'était considérable.
Quelques-uns d'entre eux ne nous aimaient pas, et avaient fini par nous rendre antipathiques à tous les autres. Cette hostilité qui nous entourait était d'autant plus dangereuse qu'elle ne nous préoccupait pas et que nous ne faisions rien pour l'atténuer. Larcier et moi, nous nous suffisions l'un à l'autre, et nous leur montrions trop clairement que nous n'avions besoin de personne. Comme tous ces sous-officiers n'avaient pas grand chose à faire, quand les classes étaient terminées, et comme peu d'entre eux se préparaient à Saumur, la haine véritable qu'ils nous vouaient était devenue pour eux une espèce de passe-temps, auquel ils eussent difficilement renoncé.